


STÉPHANE GOËL, RÉALISATEUR
C’est au détour d’une balade avec mon père, un agriculteur de 80 ans, que je suis frappé de l’entendre parler du paradis. Quelques semaines plus tard, en l’accompagnant pour visiter un de ses vieux amis dans un EMS, les propos que j’entends de la part des résidents sur leur mort prochaine et de ce qui les attend dans l’Après Monde, me bouleversent.
La génération concernée ici, qui a traversé les grands bouleversements sociétaux d’après guerre et qui arrive aujourd’hui au crépuscule de sa vie, a vu une bonne partie de ses certitudes d’avant, celles de son enfance, de sa jeunesse, voler en éclat. Ces changements profonds qui ont affecté le mode de vie de tout un chacun durant des décennies, amènent celles et ceux qui sont aujourd’hui proche de leur fin à se recomposer un idéal, à reformuler leurs aspirations, à bricoler, rafistoler, agencer leurs idées, leurs croyances en vue d’affronter ce mystère qui est devant chacun/e d’entre nous.
Dans ce pays si souvent associé à l’idée d’un Eden de quiétude et de sérénité, qu’en est-il de la représentation de la vie après la mort pour ses habitants vieillissants ? Comment s’imagine-t-on un au-delà à l’aube de quitter ce « petit paradis terrestre » ? Plongés dans le melting pot actuel de représentations, d’images, d’opinions, d’idéaux, à la veille de faire le grand saut, comment ces femmes et ces hommes ont-ils redéfini leur vision d’une vie après la vie. Que reste-t-il du paradis dans les interrogations inquiètes de nos contemporains ?
Au delà des conditionnements culturels, médiatiques et religieux, les protagonistes mettent souvent leurs représentations de l’après en rapport avec la vie qu’ils ont vécue. Tant il est vrai qu’on s’imagine le Paradis en fonction de ce que l’on a vécu, ces personnes parlent de leur vie en parlant de leur mort. Ils parlent du Paradis mais ils parlent aussi de l’enfer, des anges, du jugement. Ils en parlent avec leurs mots, avec une étonnante liberté, avec gravité, humour, inquiétude, sérénité.